Posséder du cannabis en prison ? Une idée qui pourrait prêter à sourire… et pourtant, en Allemagne, c’est désormais une réalité légale. Un tribunal berlinois vient de reconnaître ce droit aux détenus, posant ainsi une première pierre vers une lecture moins rigide de la loi sur la consommation de cannabis. Entre coup de théâtre judiciaire et avancée politique inattendue, cette décision soulève des questions cruciales sur la portée réelle de la légalisation, même derrière les barreaux.
Une nouvelle à décortiquer sur Le Cannabiste, surtout quand la légalité prend enfin le pas sur l’absurdité.
Le jugement qui fait date : cannabis autorisé en prison
C’est officiel : le cannabis n’est plus interdit dans les cellules allemandes, du moins pas en ce qui concerne la possession. Un jugement du Kammergericht de Berlin, rendu le 28 mai, vient de donner raison à un détenu retrouvé avec 45,06 grammes de résine de cannabis dans sa cellule. Plutôt que de le sanctionner, la justice a tranché : la détention était légale.
Cette décision repose sur une interprétation très littérale – et très futée – de la nouvelle loi sur la consommation de cannabis (Konsumcannabisgesetz, ou KCanG pour les intimes). Selon l’article 3, alinéa 2, point 1, il est permis de stocker jusqu’à 50 grammes de cannabis à son « lieu de résidence habituel ». Et c’est là que les choses deviennent croustillantes…
Les fondements juridiques de la décision
Car oui, messieurs dames, une cellule de prison peut – juridiquement – devenir un petit chez-soi. Enfin, au moins sur le papier.
Qu’est-ce qu’un « lieu de résidence habituel » ?
La définition officielle, selon l’article 1, point 17 du KCanG, c’est un endroit où l’on réside sans interruption pendant au moins six mois. En d’autres termes, si vous passez plus de six mois dans un endroit – peu importe que ce soit volontaire ou non – alors c’est considéré comme votre domicile.
Et donc, la cellule d’un détenu purgeant une peine de plus de six mois peut être vue, en toute légalité, comme un lieu de résidence. Plutôt cocasse pour un endroit qu’on ne choisit pas sur Airbnb.
Pourquoi la cellule entre dans ce cadre légal
Le tribunal a jugé que rien dans la loi n’excluait expressément les lieux de détention de cette définition. Il a donc estimé que la législation s’applique aussi à l’univers carcéral. La détention de cannabis dans la cellule devient alors une possession autorisée, tant que la limite des 50 g n’est pas dépassée.
Le parquet a bien tenté de faire appel, en arguant que le KCanG visait uniquement les sphères privées et familiales. Il a aussi brandi l’argument classique de la sécurité pénitentiaire, craignant que cette autorisation ne crée un joyeux désordre derrière les barreaux.
Mais le Kammergericht a balayé ces arguments d’un revers de code civil : les considérations de sécurité n’apparaissent pas dans la loi comme motif de restriction. Donc, pas de passe-droit pour l’administration pénitentiaire.
Ce que les détenus peuvent faire ou pas avec leur cannabis
Mais attention à ne pas tout confondre : posséder n’est pas consommer. Le détenu a le droit de garder son herbe dans sa cellule, mais pas d’en faire des petits nuages relaxants.
Le tribunal le précise bien : les directions d’établissements pénitentiaires conservent le pouvoir d’interdire la consommation de cannabis, notamment pour des raisons de sécurité ou de discipline. Concrètement, le produit peut rester dans la poche, mais s’il passe dans un joint, c’est la sanction qui tombe.
Une sorte de vitrine verte : on peut regarder, posséder, mais pas toucher. Et si un surveillant sent une odeur suspecte, pas besoin d’être Sherlock Holmes pour comprendre que la récré est finie.
Et concernant l’autoproduction, cette bonne vieille pratique domestique ? C’est encore plus flou. L’article 9 du KCanG évoque une autorisation dans des « espaces à usage résidentiel privé ». Problème : rien ne dit si cela s’applique ou non aux cellules. Donc, pas de plantes à côté de la brosse à dents pour l’instant, du moins tant que la justice n’a pas tranché ce point.
Et la France dans tout ça ? Une comparaison qui questionne
Pendant que nos voisins allemands montrent l’exemple en tant que leaders de la légalisation en Europe, la France joue encore les gardiens de la prohibition. Chez nous, un simple gramme suffit pour déclencher des poursuites, amendes ou autres réjouissances judiciaires. Alors parler de cannabis en prison ? Autant évoquer une rave dans une bibliothèque municipale.
Et pourtant, l’affaire allemande soulève un vrai débat : la loi doit-elle s’appliquer également à tous, même à ceux derrière les barreaux ? Le tribunal de Berlin a dit oui, en invoquant un principe d’égalité et de logique juridique. Une réforme pensée pour les citoyens ne s’arrête pas aux portes des prisons.
Le contraste est frappant. D’un côté, une Allemagne qui adapte ses textes au réel, de l’autre, une France coincée entre le fantasme du contrôle et la peur du relâchement. Pourtant, ce jugement montre que la décriminalisation ne vaut rien sans égalité d’accès.
Et si la cellule devient un lieu de droit, peut-être que le reste du monde, lui aussi, finira par sortir du sien.
Source : Newsweed