Fumer du cannabis et préserver sa santé cardiaque ? Voilà une combinaison qui ferait bondir plus d’un cardiologue. Et pourtant, une étude d’envergure menée auprès de milliers de vétérans américains vient semer le doute : aucune corrélation notable entre consommation de cannabis et risques cardiovasculaires. Chez Le Cannabiste, on ne sait plus si c’est le cœur ou le dogme qui prend une claque.
Cannabis et santé cardiaque : une mise au point scientifique
Le cannabis fumé serait-il moins nocif pour le cœur qu’on ne le pensait ? C’est la question qu’une équipe de chercheurs de l’Université de Californie a tenté d’élucider avec un sérieux digne d’un épisode de Grey’s Anatomy… version vétérans américains. Et si vous vous attendiez à une condamnation en bonne et due forme du joint du soir, accrochez-vous : cette étude, publiée dans la revue scientifique Circulation, casse quelques préjugés bien enracinés.
L’étude a observé 4 285 anciens combattants américains, âgés de 66 à 68 ans, tous atteints de maladie coronarienne (vous savez, les artères qui grincent quand le cœur veut danser). Parmi eux, 1 015 ont admis avoir fumé du cannabis récemment, dont 510 presque tous les jours. Le tout suivi pendant 3,3 ans, soit à peu près le temps de binge-watcher toute la filmographie d’Adam Sandler.
Pourquoi le cannabis inquiète-t-il les cardiologues ?
Ce n’est pas juste la fumée qui fait tiquer les blouses blanches. Le cannabis, en particulier lorsqu’il est fumé, agit sur le système cardiovasculaire : il peut provoquer une augmentation du rythme cardiaque, des variations de la tension artérielle, et une constriction des vaisseaux sanguins. En théorie, tout ça fait un cocktail parfait pour déclencher un pépin cardiaque, surtout chez les personnes déjà fragiles. D’où l’idée qu’il pourrait être aussi nocif pour le cœur que la cigarette classique… sauf que cette étude vient sérieusement nuancer cette hypothèse.
Ce que révèle vraiment l’étude
On s’attendait à une énième mise en garde contre les dangers du cannabis, version « tu fumes, tu clamses ». Mais contre toute attente, la science a préféré brouiller les pistes.
Profil des participants : qui sont les fumeurs analysés ?
Première surprise : les fumeurs de cannabis de l’étude, loin du cliché du jeune fumeur sans souci, étaient plutôt des retraités cabossés par la vie. Et pourtant, leur état de santé n’était pas plus alarmant que celui des non-consommateurs. Au contraire, dans plusieurs cas, ils affichaient des taux plus bas de certaines pathologies.
Par exemple, les utilisateurs de cannabis :
- étaient moins nombreux à souffrir d’hypertension (81 % contre 85 %),
- affichaient une prévalence plus faible d’hyperlipidémie (69 % contre 79 %),
- présentaient moins d’antécédents d’infarctus (16 % contre 19 %),
Bon, tout n’est pas rose non plus. Sur d’autres aspects, les fumeurs étaient loin d’être des modèles d’équilibre de vie. Par exemple, ils étaient moins souvent mariés, plus isolés, plus souvent en galère financière… et plus enclins à fumer du tabac ou abuser de la bouteille. Bref, ce n’était pas tout à fait le casting d’un spot de prévention santé.
Des résultats qui bousculent les idées reçues
À l’origine, les chercheurs pensaient que fumer du cannabis allait forcément rimer avec plus de risques cardiovasculaires – logique, non ? Même combustion, même punition que le tabac. Sauf que… non.
Résultat final après plus de trois ans de suivi : sur les 4 285 participants, 563 ont connu un événement cardiovasculaire majeur (infarctus, AVC, décès). Mais entre ceux qui avaient fumé et ceux qui s’étaient abstenus, aucune différence statistiquement significative n’a été trouvée. Nada. Zéro. Le néant du risque accru.
Voici un tableau récapitulatif pour y voir plus clair :
Indicateur | Fumeurs de cannabis | Non-fumeurs |
---|---|---|
Hypertension | 81 % | 85 % |
Hyperlipidémie | 69 % | 79 % |
Intervention coronaire | 15 % | 20 % |
Infarctus antérieur (AMI) | 16 % | 19 % |
Insuffisance cardiaque | 17 % | 24 % |
Fibrillation auriculaire | 13 % | 18 % |
Vie en solo | 37 % | 30 % |
Difficultés financières (payer les besoins de base) | 23 % | 16 % |
Usage actuel de tabac | 46 % | 26 % |
Alcoolisme sévère | 9,3 % | 3,5 % |
Ancien usage de drogues (hors cannabis) | 59 % | 29 % |
Ces chiffres parlent d’eux-mêmes : si le cannabis était un tueur silencieux, il aurait probablement laissé un peu plus de traces sur le tableau. Et pourtant, même en tenant compte des comorbidités et des conditions de vie, les chercheurs n’ont trouvé aucun lien de cause à effet entre consommation de cannabis et risques cardiaques sur la durée.
Ce qu’il faut retenir, et pourquoi ça compte
La conclusion des chercheurs ? Sobre, posée et presque frustrante :
Nous n’avons pas observé d’association entre le fait de fumer du cannabis et les événements cardiovasculaires chez cette cohorte plus âgée de vétérans atteints de maladie coronarienne et ayant des antécédents de tabagisme important.
Traduction : le cannabis, dans ce contexte précis, ne semble ni aggraver ni améliorer la santé du cœur. Ce qui, mine de rien, est une petite révolution dans un univers médical habitué à la prudence, voire à la diabolisation.Attention toutefois, les auteurs tempèrent leur propos en appelant à plus d’études sur des échantillons plus larges, incluant des personnes n’ayant jamais fumé de tabac, et dans des tranches d’âge plus diversifiées. En d’autres termes : ce n’est pas un feu vert, mais un sérieux clignotant orange sur les idées reçues.