À Zurich, le cannabis ne se cache plus derrière des vitrines fumées : il s’achète désormais en toute légalité… dans des pharmacies. Avec le projet Züri-Can, la ville teste depuis quelque temps une vente régulée de produits à base de cannabis. Et ça fonctionne : 750 kg écoulés, plus de 88 000 transactions et une volonté affichée de prolonger l’expérience jusqu’en 2028. Pour ceux qui pensaient que la Suisse ne savait faire que du chocolat et des horloges, Le Cannabiste remet les pendules à l’heure.
Un projet pilote qui fait parler de lui
La ville de Zurich ne compte pas refermer son tiroir à herbe de sitôt. Prévue à l’origine pour s’arrêter en octobre 2026, la phase de test de la vente contrôlée de cannabis pourrait jouer les prolongations jusqu’en 2028. C’est en tout cas ce que souhaite ardemment le conseil municipal, qui a posé 800 000 francs suisses sur la table pour continuer à surveiller la bête de près. Reste encore au parlement local à donner son feu vert.
Depuis son lancement, le projet baptisé Züri-Can a attiré plus de 2300 participants. Ensemble, ils ont réalisé environ 88 000 achats, ce qui représente la bagatelle de 750 kilos de cannabis vendus… légalement, dans des points de distribution agréés. On est loin du petit deal au coin d’une ruelle sombre.
Ce test grandeur nature ne sort pas de nulle part : il s’inscrit dans un effort global de réflexion sur la régulation du cannabis à l’échelle nationale. Et entre nous, ça ne sent pas vraiment l’échec. Les autorités zurichoises annoncent que près de 7,5 millions de francs ont été retirés des griffes du marché noir grâce à cette initiative. On comprend mieux pourquoi elles veulent continuer à creuser.
Züri-Can : une régulation sous surveillance
Le projet zurichois ne se limite pas à poser quelques bocaux sur des étagères en pharmacie. Derrière cette vitrine légale, c’est tout un dispositif médical, scientifique et social qui se déploie. C’est la clinique psychiatrique universitaire de Zurich qui suit le dossier à la loupe. Et pas question de faire n’importe quoi : les participants doivent tous passer un examen médical préalable, et des suivis réguliers sont prévus tous les six mois. Résultat : 42 personnes recalées à l’entrée, et 36 autres sorties en cours de route.
Un objectif clair : assécher le marché noir
Avec Züri-Can, l’idée n’est pas de pousser à la consommation, au contraire. L’enjeu, c’est de mieux encadrer une réalité sociale : le cannabis circule déjà largement, autant le sortir de l’ombre. Selon Andreas Hauri, responsable de la santé publique à Zurich, « la consommation de cannabis n’est pas saine, mais elle existe ». Traduction : autant éviter que les consommateurs se fournissent à l’aveugle dans des réseaux peu recommandables.
Et manifestement, le concept plaît. Les utilisateurs se disent globalement satisfaits des conditions d’achat et de distribution, même si certains auraient aimé un peu plus de discrétion lors des passages en pharmacie. On imagine que croiser son boss dans la file d’attente, c’est pas l’idéal.
Une étude encadrée et des profils variés
À l’été dernier, la Confédération a élargi le cadre, passant de 2100 à 3000 participants autorisés. Aujourd’hui, près de 80% sont des hommes, et la tranche d’âge la plus représentée tourne autour de la trentaine. Mais Zurich veut aller plus loin : attirer plus de femmes et de consommateurs occasionnels, trop peu présents dans l’étude.
Côté pratique, le cannabis est disponible dans 20 points de vente agréés : des pharmacies, des centres d’information municipaux sur la drogue, et même des clubs sociaux où la consommation est autorisée, dans un cadre sécurisé. Et c’est précisément dans ces clubs que ça se passe le plus : plus de la moitié des participants y font leurs emplettes, et peut-être aussi leurs pauses détente.
Que retenir de l’expérience zurichoise ?
Le projet Züri-Can a beau être encore en phase pilote, il ressemble de plus en plus à un modèle potentiel pour la Suisse entière. Avec d’autres villes comme Lausanne, Bâle ou Genève qui mènent des expériences similaires, c’est tout le pays qui teste, à sa façon, un autre rapport au cannabis.
Du côté législatif, la Confédération planche actuellement sur une loi fédérale sur les produits à base de cannabis. Une décision pourrait tomber d’ici 2027. Et selon Andreas Hauri, il est temps que Berne « suive le mouvement ». Traduction : les villes innovent, à la Confédération de ne pas rester plantée là.
En attendant, le canton de Zurich ne fait pas les choses à moitié. Il a lancé son propre programme de vente régulée, le plus ambitieux à ce jour, avec jusqu’à 7500 participants prévus. On dirait bien que la Suisse ne se contente plus de ses clichés de neutralité : quand il s’agit de politique cannabique, elle sait aussi faire bouger les lignes.
Sources : letemps.ch /newsweed.fr
