Entre joints et chiffres : que dit vraiment l’Europe sur le cannabis ?

24 millions de voix… et un paquet de fumée. Le dernier rapport de l’Union européenne sur les drogues dévoile des chiffres qui donnent le tournis : entre les joints quotidiens, les ados de moins en moins tentés et les résines toujours plus fortes, l’Europe vit une drôle d’histoire d’amour avec le cannabis. Dans ce joyeux méli-mélo de données, un constat s’impose : l’herbe est partout, mais elle ne pousse pas toujours là où on l’attend.

Visiblement, l’Europe a du mal à décrocher ; décryptage sur Le Cannabiste !

L’usage du cannabis en Europe : un phénomène massif

L’Europe, ce vieux continent parfois frileux sur les questions de société, a pourtant les tiroirs pleins de chiffres… et pas que d’archives poussiéreuses. Dans son dernier rapport, l’Agence des drogues de l’Union européenne (EUDA) balance un pavé dans la mare : 24 millions d’adultes européens ont consommé du cannabis au cours de l’année écoulée, et parmi eux, 4,6 millions sont des usagers quotidiens. Autant dire que le pétard du samedi soir est devenu, pour beaucoup, un rituel quotidien.

L’étude, basée sur les données des États membres de l’UE, ainsi que de la Norvège et de la Turquie, analyse l’usage des drogues, la réduction des risques, le trafic et les évolutions législatives. Et devinez quoi ? Le cannabis reste la star incontestée des substances illicites, loin devant la cocaïne, qui n’arrive qu’en deuxième position sur le podium du trip européen.

Le chiffre qui frappe, c’est ce 8,4 % des adultes entre 15 et 64 ans qui déclarent avoir consommé du cannabis dans l’année. Mais ce n’est pas tout : la France, ce pays qui aime tant les paradoxes, arrive en tête des utilisateurs à vie avec 50,4 % des adultes ayant déjà goûté au vert plaisir, suivie par l’Espagne (43,7 %) et l’Italie (34,8 %). Cocorico ?

Des profils variés et des pratiques en mutation

Alors que certains agitent le drapeau rouge de la jeunesse décadente, les chiffres racontent une tout autre histoire. Depuis 2003, l’usage du cannabis chez les 15-16 ans a chuté de manière significative. Seulement 5,7 % en ont consommé dans le mois précédent l’étude, contre 9,7 % vingt ans plus tôt. Et ceux qui ont tenté le coup au moins une fois ? 13 % aujourd’hui, contre 21 % à l’époque. Apparemment, les ados d’aujourd’hui ont troqué la weed contre… TikTok ?

Mais attention, tout n’est pas rose dans le jardin de l’Europe cannabique. L’étude pointe aussi du doigt des tendances inquiétantes.

À la maison, entre amis : où et comment se consomme le cannabis ?

Il semblerait que les usagers aient décidé de rester chez eux pour leur moment détente. Plus de 90 % des consommateurs déclarent utiliser le cannabis dans un cadre domestique, et dans 80 % des cas, c’est dans un joint que ça se passe, que ce soit sous forme d’herbe ou de résine. Le cliché du fumeur solitaire enfermé dans son salon n’a jamais été aussi vrai.

Résine, herbe, concentrés : quelles formes sont privilégiées ?

Autre tendance marquante : la montée en puissance des concentrés. Si l’herbe reste fidèle au poste, la résine, elle, voit son taux de THC exploser. En une décennie, la puissance moyenne du hash a presque doublé, alors que celle de l’herbe reste relativement stable. Et là, on ne parle pas d’une légère montée : certaines résines vendues en Europe atteignent des niveaux de THC dignes d’un effet catapulte.

Résultat ? Les urgences voient de plus en plus de cas de « toxicité » liés à des produits très concentrés comme le rosin ou le shatter, mais aussi à des substances douteuses comme les cannabinoïdes synthétiques – ces copies bon marché souvent plus dangereuses que le produit original.

Trafic, législation et tendances à surveiller

Pendant que les consommateurs s’adaptent, les trafiquants aussi. Et ils ne manquent pas d’imagination. Le bon vieux conteneur maritime ou le camion sur l’autoroute, c’est dépassé. Aujourd’hui, le cannabis voyage aussi en valise, dans les soutes d’avions en provenance du Canada, des États-Unis ou de Thaïlande – des pays où la légalisation a changé la donne… et pas que localement.

L’Espagne, déjà connue pour sa proximité géographique avec les routes du trafic, voit ses saisies exploser, notamment en matière d’herbe. En 2023, on compte 259 000 saisies de résine pour un total de 551 tonnes, et 219 000 saisies d’herbe atteignant 201 tonnes. Ce n’est plus une saisie, c’est un inventaire de grossiste.

Autre info croustillante (ou inquiétante, selon où vous vous situez sur l’échiquier législatif) : l’apparition de substances semi-synthétiques comme le HHC, le THCP ou le HHC-P, qui font leur entrée sur le marché européen. Certains pays les autorisent encore, faute de législation claire. Le Centre d’information toxicologique de Tchéquie a enregistré plus de 170 cas liés au HHC entre 2022 et 2024, souvent chez des jeunes qui pensaient manger des bonbons… pas des boosters d’angoisse.

Alors, que retenir de tout ça ?

L’Europe reste fidèle à son cannabis, malgré les législations souvent restrictives. Les habitudes évoluent, les produits deviennent plus puissants, et les jeunes semblent moins tentés que leurs aînés. Mais derrière ces tendances, la question de la régulation devient de plus en plus pressante, car à force de jouer à cache-cache avec les règles, le risque de voir des produits incontrôlés envahir les marchés grandit.

Le cannabis en Europe, c’est un peu comme un invité qu’on ne veut pas vraiment accueillir… mais qu’on ne met jamais dehors non plus.