Visages militants: Derrière le masque du CIRC

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Le visage rieur et défiant d’un clown aux cheveux verts, qui brise la prohibition dans un éclat de rire. Aujourd’hui le Cannabiste s’intéresse au CIRC. Figure historique de la lutte Française contre la prohibition du Cannabis. Depuis le début des années 90, le CIRC continue encore d’agiter le cocotier Français, alors que les perspectives de légalisation contrôlées sont sans cesse remises aux calendes. Pugnaces, solides, indéboulonnables, les résistants du CIRC ont un porte-parole. Il s’appelle KShoo et ça se prononce Cachou. Pour nous, il est descendu de son bouclier de chanvre pour ce spécial ‘Visage militant’.

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Kshoo en pleine dégustation, dans son milieu naturel

#Interview

LC: Les lecteurs de Le Cannabiste, connaissent déjà Jean-pierre Galland, l’autre co-fondateur du CIRC, vous étiez nombreux au départ de l’aventure ? Qui d’autre fait partie des meubles ?

« Nous n’étions qu’une poignée. Il y avait pas mal de potes de JPG qui l’avaient aidé à rédiger Fumée Clandestine rejoints pas une fine équipe capable d’aller manifester en place publique à Beaubourg aux cris de « Libérez Marie-Jeanne, enfermez Jean-Marie ! ». 

Quelques mois après la sortie du livre beaucoup d’entre nous sont partis chacun de leur côté, mais petit à petit d’autres sont venus à nous par affinités, autour du Cannabis. Je me souviens de Laurent qui trompetait dans le groupe musical Lyonnais les Babylon Fighters. Il était parmi ceux qui nous ont apporté beaucoup de nouvelles connaissances jusqu’à former une petite tribu. C’est à partir de ce moment-là que je suis devenu K Shoo pour tout le monde. »

 

« les 577 pétards que le CIRC avait envoyé à tous les députés Français en 1997 »

 

« Le CIRC c’était le repère des libres penseurs, des objecteurs de conscience et des militants libertaires purs et durs. Grâce à ces derniers nous avions obtenu une la diffusion bimensuelle d’une émission de radio qui existe encore aujourd’hui: ‘Y’a d’la fumée dans l’poste’ sur Radio Libertaire grâce à Max et son complice Davou. 

Forcément sur Paris ça a pas mal brassé, alors c’est un peu délicat car que je risque d’oublier du monde. Il avait l’incontournable Éric Chapel, initiateur de Chanvre & Cie,  le tout premier growshop Français, c’est lui qui avait introduit chez nous le concept de -chanvre global-  importé de Suisse, et organisé de mémorables salons du chanvre comme on n’en voit plus à présent qu’à l’étranger.

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Il y eut aussi François-Georges, toujours actif encore aujourd’hui, venu par le biais de l’association Act Up. Il demeure notre principal idéologue-théoricien. Entre autres, nous lui devons le pamphlet antiprohibitionniste « Lettre ouverte au Législateur », qui accompagnait les 577 pétards que le CIRC avait envoyé à tous les députés Français en 1997. »

 

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LC: Quel a été ton Parcours personnel avant et depuis le CIRC ?

« J’ai réellement découvert le chanvre récréatif milieu professionnel grâce à la FNAC. Vers la fin des années 80 je côtoyais des penseurs libertaires et je flirtais avec les syndicalistes trotskistes de la boîte où je travaillais. 

En 1990, j’avais 23 ans quand le Comité des mal-logés, se faisait expulser de son squat dans le XXème à Paris, tout cela se déroulait au son des Béruriers Noirs. Alors j’ai participé à de longs mois d’occupation du square. On militait au milieu des familles africaines et d’une ribambelle de gamins. Il fallait aussi faire la bouffe et assurer les rondes de surveillance. C’était chaud. Je crois que c’est alors que c’est à ce moment là qu’est véritablement né le ‘mouvement social’ que nous connaissons encore aujourd’hui. »

 

 » Di Great Insohreckshan « 

 

« Il y avait donc ce petit groupe d’agités qui découvrait des graffs signés Di Great Insohreckshan dans le métro annonçant des manifs pro-Cannabis à Beaubourg, c’était le titre d’une chanson du Dub Poet, LKJ. C’est à cause de ce « broken english » que des types des Renseignements Généraux persécutaient une Néerlandaise qui faisait alors le lien entre nous et la troupe de Jean-pierre Galland qui bossait sur Fumée Clandestine. C’est peu après qu’a été prise la photo de la « famille Cannabis » dans notre squat de l’Hôpital St Louis. (Ndr: une photo qui figure dans le livre de JPG). »

 

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« À cette période, je me souviens d’un séjour bref mais mémorable en Ariège, en compagnie d’un couple de travellers Anglais qui vivait dans un minibus. C’est à cette époque là que j’ai pu découvrir les drogues psychédéliques. De retour à Paris,  j’ai rejoint le groupe qui se réunissait Jean-pierre Galland après la parution de son désormais Best-seller. Mais ces discussions ne débouchaient pas sur grand chose, en France l’heure était à la paranoïa dès que l’on évoquait la fumette. Alors tous ensemble nous sommes parvenus à convaincre Jean-pierre d’occuper le poste de président d’une association, c’est à ce moment là que le CIRC a vu le jour.

Nous avons connu des années fastes pensant la décennie des 90, j’ai participé à l’émergence de l’association Techno Plus, rédigé les premiers dépliants d’info sur le LSD et l’ecstasy, bientôt nous étions même épaulés par  épaulés par Médecins du Monde avec la Mission Rave pour tester les produits présents en soirée et en festival. Malgré un climat général plutôt anti-drogue nous nous permettions tout, comme le disait Laurent des Babylon Fighters : nous n’avions jamais été aussi proche d’une légalisation,  mais pourtant nous en étions cependant encore très loin. »

 

 j’ai vendu des « Grainaoizo »

 

« Au début des années 2000 nous avons créé Ananda & Cie avec ma compagne Laurence et Éric Chapel, l’association fait la promotion du chanvre dans sa globalité. Puis, à Montpellier j’ai ouvert  le magasin Mauvaise Graine qui travaillait déjà sur Internet sur le mode de la Vente Par Correspondance. De son côté Laurence ouvrait Le Jardin d’Eden à Villeurbanne. Nous suivions tous les deux le même concept de chanvre global.

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Comme Éric à Montreuil, j’ai vendu des « Grainaoizo » pour bestiaux de compétition, interdites à la germination déconseillées aux poulets et aux perdreaux…. Nous profitions déjà d’un ‘flou juridique’ mais ça n’empêchait pas les stups locaux et la gendarmerie de venir nous taquiner. Au bout d’un moment j’ai fini par me lasser et j’ai fermé ce magasin pour rejoindre Le Jardin d’Eden et développer Ananda & Cie avec Laurence. Nous avons acheté une presse à huile et commencé à produire de l’huile à partir de chènevis biologique. Depuis je vaque entre le CIRC et Ananda & Cie qui distribue ses produits principalement dans la région où nous sommes installés. »

 

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Maître Caballero, Jean-pierre Galland, K Shoo, 1995 pendant une ‘Rave transe psychédélique »

 

LC: Pourquoi une Fédération des Circ et pourquoi pas une seule et unique association ?

« Au tout début il n’y avait que le CIRC créé à Paris mais très vite, nous avons été contactés par d’autres groupes aussi allumés que nous. À Lyon, Rennes, Toulouse, en Provence, en Pays-de-Loire, en Alsace-Lorraine, à Marseille, à Toulouse, à Bordeaux, à Tours, à Lille, bref un peu partout. Il a rapidement fallu fédérer tout ce petit monde, en prenant en compte les spécificités de chacun, tout en restant dans le cadre de nos statuts. »

 

« le retour du CIRC Centre avec Dominique Broc »

 

« Mais les années 2000 ont eu raison de notre bel enthousiasme. Nous avons commencé par perdre notre principal mécène, NSP avec qui nous avions monté les Éditions du Lézard. C’était peu de temps après que la maison d’édition Ramsay ait déposé le bilan. Nous entrions dans les années Jospin, l’époque de Chirac et de Sarkozy. Il n’y avait vraiment pas de quoi se réjouir. Pour les clowns du Circ c’était un peu la fin de la récré… Sur Paris il ne reste plus que l’émission de RL et le porte-parolat local de François-Georges. Le CIRC Lyon, lui, demeure très actif. À noter cependant le retour du CIRC Centre avec Dominique Broc (l’initiateur des premiers Cannabis Social Clubs Français). »

 

LC: Dis nous Kshoo: Le militantisme, c’était mieux avant ?

« C’était mieux avant? Peut-être, surtout parce que nous avions vraiment la sensation de défricher à ce moment là. Rien ne nous semblait impossible et ne nous faisait peur. Nous avons essuyé les plâtres et subit procès sur procès, généralement pour incitation à la consommation. 

Il faut dire que ne sommes partis de rien au début des années 90. C’était les années Sida, drogue, hépatite, un sale contexte. D’abord il y à eu le succès retentissant de Fumée Clandestine. La consécration, ça à vraiment été le passage de Jean-pierre sur Canal + dans Nulle part ailleurs avec Antoine De Caunes et son personnage Aquarium, inventé pour la circonstance. »

 

 

« Avec nous, les stups se comportaient comme une police politique. Nos déclarations étaient surveillées le moindre de nos propos ou de nos écrits pouvait nous attirer des poursuites. Au bout d’un moment, toutes les manifestations que nous organisions étaient réprimées par la police. Il nous fallait toujours plus de moyens pour nous défendre. C’est comme ça que les autorités sont parvenues à étouffer la contestation, en multipliant les procédures judiciaires. »

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« ce qui nous distingue ne doit pas nous opposer »

 

« L’émergence de nouveaux mouvements ne doit pas faire oublier l’histoire des CIRC.

 Pour ce qui est des nouvelles associations, je ne crois pas qu’on puisse vraiment parler d’une ‘relève’. Leurs méthodes et leurs stratégies sont différentes, c’est une autre vision de la société que celle du CIRC.
Je crois que le ‘cannactivisme’ du CIRC à toujours sa place aujourd’hui comme pour toutes les identités militantes, mais ce qui nous distingue ne doit pas nous opposer. Nous avons tous le même objectif commun : en finir avec la prohibition. »

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Hollande, 11-1994. Jean-Pierre Galand et K.SHOO du Circ en visite dans les serres du Cannabis Castle, propriété de Ben Dronker, fondateur de la sensi seeds company et du Hash museum d’Amsterdam. Ed Rosenthal, célèbre auteur et spécialiste nord américain du cannabis à l’arrière-plan.

 

LC: Le chanteur Américain Willie Nelson, déclarait « Le Cannabis n’est pas une drogue c’est une fleur » qu’est ce que ça t’évoque ?

« Là je vais faire court. C’est effectivement ce qui me vient à l’esprit, face à la liste des dispositions répressives qu’on nous oppose en France: on criminalise de simples amateurs de fleurs ! »

 

LC: Est-ce que tu consommes du Cannabis pour des raisons médicales ? Veux-tu bien nous faire un peu partager ton expérience perso ?

« En 2000, j’ai arrêté de fumer des joints. Et puis en 2010 environ, à l’occasion d’un renouvellement de lunettes on m’a diagnostiqué une pression intraoculaire élevée, un genre de glaucome. Soit j’acceptais le collyre à vie, soit j’allais devenir aveugle.

Je me suis souvenu de l’histoire de James Burton que nous avions croisé aux Pays-Bas avec le CIRC. J’ai trouvé un nouvel ophtalmo et je lui ai demandé de me suivre tout en pratiquant une automédication à base de Cannabis. Inhaler la fumée ne me suffisait pas, il fallait le faire sans arrêt et l’ivresse me dérangeait. C’est à l’occasion d’une prise Cannabis par infusion, que le niveau de ma pression intraoculaire est tombé de 24 à 16. A présent j’utilise du CBD, un extrait de type Full Spectrum Oil, c’est-à-dire que tous les cannabinoïdes terpènes et autres flavonoïdes sont présents. C’est un produit puissant et contrôlé dont je doute qu’il qu’il puisse se trouver facilement dans la plupart des boutiques CBD actuelles. »

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Jean-pierre Galland et K Shoo à Amsterdam

LC: Si tu devais partir sur une île déserte et que tu ne puisse emporter les graines que d’une seule variété de Cannabis pour l’éternité. Laquelle ?

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« Je crains qu’il ne m’en faille deux. L’une chargée en CBD, avec peu de THC pour le soin, la seconde très Sativa,  pour le high plutôt que pour le stone. 

Celle qui me vient tout de suite à l’esprit c’est la Serious 6 de Serious Seeds. Le père de la variété est un excellent généticien du nom de Simon, un ancien de chez Sensi Seeds. Il ne propose que des variétés vraiment stabilisées. La Serious 6 a ceci de particulier aussi qu’elle est très précoce. Elle commencer sa floraison fin juillet, pour être récoltée mi-septembre. C’est juste une incroyable Sativa. »

 

— Jean-pierre Ceccaldi pour The Blinc Group – © Le Cannabiste 2018 Tous droits réservés–

A propos Jean-Pierre 1227 Articles
Fondateur et rédacteur du média Le Cannabiste. Je suis un journaliste autodidacte spécialisé dans le domaine du Cannabis. J'ai été choisi par un incubateur de Cannabusiness New Yorkais pour devenir leur consultant permanent en matière de Cannabis. Je publie de nombreux articles interviews et essais en langue Anglaise ainsi que pour la presse Française et l'industrie du Cannabis en général.