Cannabis légalisé, ados désintéressés ? En Allemagne, depuis que la loi autorise l’usage récréatif du cannabis chez les adultes, une chose inattendue s’est produite : les jeunes s’en détournent. Une vaste étude menée par les autorités sanitaires allemandes révèle une baisse de la consommation chez les mineurs, malgré les craintes véhiculées par les détracteurs de la légalisation.
Comme quoi, parfois, encadrer vaut mieux qu’interdire.
Une légalisation pas si permissive qu’on le croit
Quand on parle de légalisation du cannabis, certains imaginent aussitôt une rave party géante dans les rues de Berlin, des ados qui roulent des joints en cours de chimie, et des distributeurs d’herbe à chaque coin de rue. Autant casser le mythe tout de suite : non. L’Allemagne n’a pas ouvert les vannes à tout-va, elle a simplement légalisé l’usage récréatif pour les adultes à partir d’avril 2024, avec une régulation bien serrée et des clubs sociaux à but non lucratif pour encadrer la distribution.
Le but ? Protéger les jeunes, faire la peau au marché noir, et surtout, offrir une information plus claire et accessible sur les risques. Un projet de société, quoi. Et devinez quoi ? Eh bien, ça marche. Du moins, pour l’instant.
Les résultats de l’étude allemande
Pour voir si cette légalisation allait transformer les ados en apprentis dealers, le gouvernement allemand a demandé à l’Institut fédéral de santé publique de mener l’enquête. Résultat : une étude publiée sous le doux nom de Drug Affinity Study 2025, qui a interrogé pas moins de 7 001 jeunes de 12 à 25 ans entre avril et juillet 2025.
Et les chiffres ont de quoi surprendre ceux qui annonçaient la décadence. Parce qu’au lieu d’exploser, la consommation chez les mineurs… a baissé.
Une baisse chez les 12-17 ans
Vous l’avez bien lu : les jeunes allemands, ceux qu’on disait en danger face à la « banalisation » du cannabis, semblent moins friands du pétard depuis que c’est devenu légal pour les adultes. Dans la tranche des 12-17 ans, la consommation sur l’année est passée de 6,7 % à 6,1 %, et les usagers dits réguliers (plus de 10 fois dans l’année) sont passés de 1,3 % à 1,1 %.
Rien d’anecdotique donc, surtout quand on sait que ces chiffres arrivent après des mois de débats publics, d’alertes sanitaires et de prévention.
Karl Lauterbach, l’ex-ministre de la santé qui a porté le projet de légalisation à bout de bras, n’a pas boudé son plaisir :
Ces résultats confirment ce que nous cherchions : en informant sur les dangers, on ne pousse pas à consommer, on fait même l’inverse. » Avant de tempérer, histoire de rester sérieux : « Mais il faut encore confirmer ces données. Les interdictions n’effraient pas les jeunes.
Une hausse contenue chez les jeunes adultes
Du côté des jeunes adultes (18-25 ans), c’est une autre chanson, un peu plus… fumée. La consommation sur l’année est passée de 23,3 % à 25,6 %, avec une augmentation du nombre de consommateurs réguliers de 8 % à 8,9 %. Pas de raz-de-marée, mais une courbe en légère pente ascendante, surtout chez les jeunes hommes, de 26,9 % à 31,6 % pour ceux qui ont fumé au moins une fois cette année.
Johannes Nießen, qui dirige l’Institut fédéral de santé publique, garde un œil sur la tendance :
On voit clairement que l’usage n’a pas augmenté chez les ados, mais ça grimpe un peu chez les 18-25 ans, surtout les garçons. À surveiller de près.
Ce que cette étude pourrait inspirer ailleurs
Les résultats allemands s’inscrivent dans une dynamique déjà observée ailleurs dans le monde. Le Canada, par exemple, où la légalisation date de 2018, n’a pas vu son taux d’usage chez les jeunes s’envoler, au contraire, il est resté stable. Idem dans plusieurs États américains : pas de ruée des mineurs vers le cannabis légal.
Pourquoi ? Peut-être parce que quand un produit sort de la clandestinité, il perd un peu de son attrait rebelle. Peut-être aussi parce qu’on en parle plus franchement, sans tabou, et que l’éducation prend le pas sur la peur.
En Allemagne, une autre étude menée par l’Institut de recherche sur les addictions de l’université de Francfort va même plus loin : près de 90 % des consommateurs obtiennent désormais leur cannabis via des circuits légaux, contre seulement 23,5 % avant la loi. Autrement dit, le marché noir fait la gueule. Et ce n’est pas rien.
Alors non, la légalisation allemande n’a pas donné lieu à une explosion verte incontrôlable. Elle a même l’air de faire le boulot pour lequel elle a été conçue.
Et si la France regardait ce qui marche ailleurs ?
Alors que la France peine à sortir du débat stérile entre prohibition pure et légende urbaine sur les effets magiques du cannabis, l’exemple allemand mérite qu’on s’y attarde. Non pas pour copier-coller un modèle, mais au moins pour constater que l’encadrement, la prévention et la transparence peuvent parfois faire mieux que l’interdiction brute.
