CBD / Cannabis médical: Le Professeur Authier nous répond

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Le Professeur Nicolas Authier nous a écrit! Première bonne nouvelle il a le sens de l’humour, deuxième bonne nouvelle, il nous a fait le plaisir de répondre à quelques questions pas piquées des vers. Souvenez vous c’était en Octobre dernier sur Le Cannabiste, ‘CBD classé vénéneux : quand la médecine est malade‘. Il faut bien reconnaître que nous n’y avions pas été de main morte, mais il en fallait plus que ça pour décourager le professeur : Droit de réponse.

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#Lettre au Cannabiste

La vérité c’est que le rédacteur était en pleine partie de jeu vidéo lorsque la réponse de Nicolas Authier est arrivée. Un pop-up Gmail avec le nom ‘Nicolas Authier’ en tête. C’était un motif suffisant pour poser le flingue virtuel un moment et voir de quoi il retournait. 

Pas de menaces du ‘je’, pas de menace de ‘loi’, aucune invitation au jeu de l’oie médiatique, l’homme est courtois et mérite bien notre attention, voici un condensé de sa lettre. 

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Capture d’écran – Le Cannabiste du 25 Octobre 2018

 

Bonjour,

Je viens de lire votre article faisant suite au mien sur le cbd. Bien sûr le trait est un peu exagéré mais l’image est drôle et bien trouvée pour un psychiatre.

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J’accepte sans problème la contradiction mais ne pouvant commenter l’article sur votre site je vous écris cette réponse dont vous ferez bon usage

Je proposais une réflexion sur la possibilité de rendre accessible le cbd, une réflexion autour de la question des substances de bien être ou de confort. Une sorte de zone grise entre le médical et le récréatif. Rien d’original, rien d’indécent comme j’ai pu le lire. Je ne suis pas le premier à évoquer ces questions d’usage. Je posais la question du classement pour montrer que cela ne rime pas forcément avec interdiction, ni restriction d’accessibilité mais au final une meilleure information et une meilleure qualité de produit. 

Nous ne sommes pas d’accord sur la méthode, néanmoins bien que nous mettions en oeuvre des stratégies différentes et probablement complémentaires, je crois que nous n’avons pas forcément des objectifs si différents, je crois sincèrement que ça avance y compris avec le soutien des autorités sanitaires et c’est une chose importante.

Je n’ai aucun intérêt personnel à ce que le cannabis ou le cbd soit ou ne soit pas commercialisés. Je n’ai aucun liens ou et encore moins conflits d’intérêts en rapport avec  ces substances ou les médicaments conventionnels « concurrents ». Je passe le plus clair de mon temps médical à accompagner des patients à arrêter de prendre des substances et notamment médicamenteuses (psychotropes, antalgiques …) au sein d’une consultation « pharmacodépendance » que j’ai créée en 2010 au CHU de Clermont-Fd.

Que certains préfèrent me voir comme un « apparatchik » du système m’importe peu à titre personnel. C’est la facilité pour clore le débat et décrédibiliser mes propos. Malheureusement cela ne participe qu’à créer du clivage là où on aurait justement besoin de plus de cohésion, de plus de débat et moins de positions dogmatiques opposant les uns aux autres.  Je ne m’engage dans des réflexions que si je crois en leur pertinence, et c’est le cas pour l’usage thérapeutique du cannabis.

Espérons que nous puissions aboutir à l’essentiel, c’est à dire des prises de décisions en faveur des patients qui pourraient bénéficier de ces usages de cannabis ou cannabinoïdes non médicamenteux. 

Nicolas Authier

 

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Et là vous vous dites, bravo Le Cannabiste, mission accomplie, dialogue établi avec le professeur. Mais pas si vite. À présent le vrai travail commence, nous avons toujours quelques question à lui poser.

Et les réponses du Professeur Authier, comme vous allez le voir, sont d’une précision chirurgicale et souvent beaucoup plus nuancées qu’on aurait eu tendance à le croire. Bonne lecture.

 

#Linterview

 

LC: L’épidémie de consommation de Cannabis dans notre pays atteint des proportions qui placent la France aux mauvais extrêmes dans tous les classements. En tant que professionnel de la santé et citoyen responsable, pensez-vous que les choix du CSST peuvent impacter la situation générale devenue urgente avec le Cannabis en France?

Ouvrir la discussion sur l’usage thérapeutique du cannabis en France peut avoir un impact sur les représentations de la population sur le cannabis en général dont son usage récréatif. Probablement dans le sens d’une banalisation, d’une sous-estimation des risques liés à l’usage de cette plante. Pour cela, il faut continuer à informer objectivement les usagers sur les risques de l’usage dit récréatif de cette plante et notamment sur la manière de réduire ces risques. C’est aussi une des raisons pour laquelle certains s’opposent totalement à tout usage de cannabis même thérapeutique, voyant dans cette initiative une porte d’entrée vers la légalisation globale de l’usage du cannabis. Traiter de l’usage du cannabis thérapeutique ne doit pas faire croire à l’ouverture d’une brèche vers la légalisation du cannabis. Ce sont à mon sens des sujets qu’il faut traiter différemment dans l’intérêt des deux problématiques. Il faudrait même différencier les trois questions relatives à l’usage de cannabis : thérapeutique, récréatif et confort ou bien-être. Cette dernière notion étant par exemple illustrée par certains usages non médicaux d’extraits de cannabis riches en cannabidiol et pauvres en THC.

 

LC: Il semble que l’usage en vaporisation de fleurs de Cannabis soit la manière la moins nocive de consommer du Cannabis sous sa forme naturelle par voie aérienne. Est-ce que ce genre de dispositif fait l’objet d’évaluations médicales sérieuses dans le CSST aujourd’hui?

Bien entendu, la technique de vaporisation s’avère beaucoup moins nocive que l’usage de cannabis sous la forme de joints ou de douilles. En tant que médecin, il m’est difficile, pour ne pas dire impossible, de concevoir une prescription d’une substance à visée thérapeutique sous forme de cigarette (joint) à fumer du fait des risques liés à la combustion. La voie inhalée est surtout la voie de prédilection pour une absorption très rapide et un passage au cerveau en quelques secondes (plus rapide qu’une voie intraveineuse). Néanmoins cela ne permet pas toujours de faire passer la quantité suffisante ce qui oblige ainsi la répétition des prises dans la journée. Aussi cela n’en fait pas forcément une voie d’administration de référence pour traiter des symptômes permanents d’une maladie chronique pour laquelle nous devons privilégier un traitement de fond et en si besoin des traitements complémentaires ponctuels à effet rapide. C’est donc dans ce dernier usage que la vaporisation d’extraits de cannabis pourrait avoir toute sa place.

 

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LC: Les Cannabinoïdes semblent influer à la fois sur la douleur, l’appétit et sur l’humeur des personnes qui en consomment en accompagnement de maladies chroniques ou d’affections graves. On parle de bénéfice thérapeutique, de soulagement et de confort. A partir de quel moment peut on considérer que le soulagement franchit le cap du plaisir? Peut-on douter que le plaisir et la détente ne constituent un atout santé, le fameux bien-être incontournable au quotidien?

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Le soulagement d’une souffrance peut être associée à des émotions positives que certains pourraient percevoir ou interpréter comme un plaisir. Mais c’est bien le soulagement qui est recherché et non un plaisir dans une approche thérapeutique. Il est en revanche plus difficile parfois de dissocier la notion de plaisir de celle de mieux-être, bien être ou de confort. Dans le premier cas, on peut comprendre la recherche d’un effet euphorisant, désinhibiteur, relaxant comme cela existe avec l’usage d’alcool, parfois même à la recherche d’une sorte de dopage des relations sociales. Dans la deuxième finalité, on peut se trouver dans une situation non pathologique mais suffisamment inconfortable pour rechercher un mieux-être en soulageant des symptômes légers par exemple de tension psychique ou physique. Voilà un vrai sujet de discussion qui semble au cœur des problématiques d’usage de substances. Comment sortir de la bipolarité actuelle que nous impose la réglementation entre le tout festif et le tout thérapeutique (au sens médical). La majorité des usages ne se situeraient-ils pas dans cette zone grise, intermédiaire. Et dans ce cas comme réguler pour donner accès à certaines substances dont les cannabinoïdes tout en sécurisant leur usage.

 

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LC : La question du CBD représente une embellie économique et une terre d’opportunité pour de nombreux entrepreneurs dans notre pays. Vu la quasi absence de nocivité du CBD, n’est-il pas plus avisé et opportun de permettre à ce marché du bien-être de s’épanouir sous la forme d’une mosaïque d’acteurs économiques, avec une réglementation adaptée ?

Oui actuellement il n’existe pas de signaux inquiétant autour de la substance cannabidiol. Cela reste une substance psychoactive, mais c’est aussi ce qui en fait son intérêt, avec semble-t-il en l’état des connaissances actuelles une absence de risque démontré de pharmacodépendance. Toute la question est celle de la réglementation de ces substances de confort. La cannabidiol peut possiblement prétendre à un double statut, de médicament comme c’est le cas dans la spécialité Epidiolex récemment autorisée aux USA dans certaines formes rares et réfractaires d’épilepsie de l’enfant, et de substance de confort, peut-être à des doses plus faibles, avec certaines restrictions d’accessibilité (âge, grossesse …) et des exigences de qualité et d’homogénéité des produits proposés. La dimension économique est probablement importante à condition que le business n’exploite pas la souffrance des usagers. Actuellement, l’accès à ces produits dans leur version non remboursée est souvent rapporté comme étant à des prix trop élevés. Il ne faudrait pas que l’industrie du cannabis et des cannabinoïdes voit se retourner contre elle les critiques qu’elle formule contre l’industrie pharmaceutique.

 

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LC : Vous comprenez que tous ces commerçant traités comme des trafiquants de drogue par l’état voient d’un mauvais oeil un hypothétique classement du CBD en substance vénéneuse? Si on regarde la définition de la Nicotine, on se demande bien ce que le CBD viendrait faire à ses côtés non? (nicotine : psychotrope, très addictif, hautement toxique etc…)

Je comprends la réaction à ma réflexion autour de l’intérêt que pourrait apporter un classement du cannabidiol. Je ne dis pas que c’est la solution, c’était une réflexion que je souhaitais partager. Mais il faut aussi reconnaître que cela donnerait un cadre d’accessibilité, actuellement inexistant, à la substance tout comme c’est le cas pour la nicotine (bien plus addictive) dans les e-liquides. Classement ne veut pas forcément dire interdiction. Il faut relativiser aussi sur ce que l’on met derrière le terme un peu ancien de substance vénéneuse qui je le concède peut être trop stigmatisant mais rappelle quand même que ces substances ne sont pas non plus inoffensives, surtout en usage régulier voire quotidien, du fait de leur impact notamment dépresseur (au sens de ralentissement) sur le cerveau ou de leurs modes d’administration.

 

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Hippocrate : Wikimedia Commons

LC : Sur la base du deuxième commandement d’Hippocrate : « Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux ».

 Estimez-vous concevable que le droit à l’autoculture de Cannabis puisse devenir un droit universel et fondamental des patients dont l’état de santé le justifie? Comment la médecine Française en 2018 perçoit-elle la possibilité de soigner l’anxiété et le stress quotidien raisonnablement avec une simple plante?

Bien entendu l’autoculture a un avantage majeur sur le coût de ces produits dérivés du cannabis ou du cannabis thérapeutique lui-même qui sont encore trop élevés. Mais il faut reconnaître que le monde des cannabinoïdes thérapeutiques est loin d’être simple et que cela ne pourrait concerner qu’une partie, probablement minoritaire et très informée voire expérimentée, des malades pouvant bénéficier de cannabis à visée thérapeutique. Sauf si cette autoculture ne rime pas avec automédication et s’avère être couplée à un accompagnement médical formé à l’usage thérapeutique des cannabinoïdes. Il se pose aussi la question de la reproductibilité de la qualité des produits consommés, de la gestion des « posologies » …

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Pour répondre à votre deuxième question, une simple plante ou un simple médicament ne seront pas le remède idéal du caractère anxiogène de notre société. Il faut évidemment œuvrer en amont sur les causes et prémunir les personnes les plus vulnérables ou les plus exposées au stress. Par ailleurs, de nombreuses approches non médicamenteuses de type psychothérapies, utilisant par exemple des techniques de réalité virtuelle, permettent aussi d’apprendre à combattre le stress et l’anxiété et à rendre le sujet acteur de sa démarche.

 

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Crédits Lexscope@Unsplash

 

LC : En 2018 les opiacés, l’alcool, le tabac, les surdoses médicaments, le deltaplane, les morsures d’animaux sauvages, et même les accidents de selfie ont tous tué davantage de gens que le Cannabis. Est qu’on peut justement continuer à dire que le Cannabis est surtout dangereux parce qu’il est interdit ? Pouvez-vous nous expliquer rapidement pourquoi aucune mort par overdose de Cannabis n’a jamais été officiellement répertoriée ?

On ne peut pas considérer comme négligeables les complications liées à l’usage de cannabis. Bien entendu, compte tenu du nombre très important de consommateurs, on pourrait dire que la prévalence de ces complications est faible mais en valeur absolue, du fait des millions d’usagers, ce sont des milliers de personnes qui en subissent les conséquences, depuis les difficultés d’apprentissage jusqu’à la réelle addiction (qui est une réelle perte de liberté) en passant par des complications cardiovasculaires, des épisodes d’anxiété parfois majeure voire des symptômes psychotiques ou des troubles du comportement par exemple. On pourrait même citer le syndrome de sevrage, une réalité clinique en cas d’usage important, et longtemps à tort présenté comme argument par les défenseurs du concept de drogue douce. Probablement que ce sont tous ces effets négatifs, non recherchés par les usagers actuels qui participent à justifier son interdiction actuelle. Néanmoins, si nous restons dans le périmètre d’un cannabis à usage thérapeutique, avec un accompagnement médical, des contre-indications, des voies d’administrations adaptées, des produits bien caractérisés, des doses administrées avec l’objectif non plus d’un « surdosage festif » mais d’un soulagement et avec un bénéfice attendu évalué comme supérieur aux risques, on peut espérer que ces complications soient moins nombreuses et que le risque qu’elles surviennent soit ‘acceptable’ au regard du bénéfice qu’en tire le malade.

Enfin, je ne dispose pas des chiffres comparés de toutes ces causes de mortalité que vous évoquez. Néanmoins l’usage de cannabis peut induire parfois des complications mortelles qui ne sont pas liées à une situation d’overdose (surdosage de cannabis) au sens où on l’entend avec les opioïdes par exemple. Des cas, rares, de décès imputés au cannabis (sans autre cause) ont déjà été présentés dans l’enquête nationale et annuelle DRAMES du centre addictovigilance de Grenoble et de l’ANSM. Les complications cardiovasculaires (infarctus, accident vasculaire cérébral), souvent graves voire mortelles mais heureusement rares, ne nécessitent pas un surdosage. Mais il faut reconnaître que le cannabis n’est pas la substance qui induit la plus grande mortalité, l’alcool, le tabac et dans une moindre mesure les opioïdes sont largement plus impliqués. 

 

‘Nicolas Authier ne s’exprime pas au nom du CSST cannabis thérapeutique ni de la commission des stupéfiants et psychotropes de l’ANSM.’

Interview Exclusive réalisée le 16 Novembre 2018

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— Jean-pierre Ceccaldi pour The Blinc Group – Le Cannabiste 2018 Tous droits réservés —

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Fondateur et rédacteur du média Le Cannabiste. Je suis un journaliste autodidacte spécialisé dans le domaine du Cannabis. J'ai été choisi par un incubateur de Cannabusiness New Yorkais pour devenir leur consultant permanent en matière de Cannabis. Je publie de nombreux articles interviews et essais en langue Anglaise ainsi que pour la presse Française et l'industrie du Cannabis en général.