L’Espagne, un pays bien connu pour son cannabis médical de qualité, se retrouve embourbé dans une législation un brin frileuse. Malgré une production prolifique, les avancées pour un accès plus large aux traitements restent modestes, voire hésitantes. Des décisions inattendues, comme l’exclusion des pharmacies de quartier et l’absence de fleurs dans les prescriptions, laissent patients et professionnels perplexes. En somme, la révolution verte espagnole semble avancer… en crabe. Pourquoi un tel balancement ? Voyons cela de plus près, sur Le Cannabiste !
Les racines du débat : un projet de loi sous les feux de la rampe
En matière de production de cannabis médical, l’Espagne n’a rien à envier aux grands d’Europe. Avec des entreprises comme Linneo Health et Medalchemy en tête de file, la production nationale a culminé à environ 23,4 tonnes en 2023, un record qui propulse le pays en haut du podium européen. Mais un marché intérieur bien cadré reste un rêve pour de nombreux Espagnols.
Le gouvernement a récemment publié un projet de loi le 30 septembre, vite critiqué pour sa rigueur. Malgré une consultation publique, close il y a deux semaines, l’incertitude persiste autour de cette réglementation. Patients et professionnels espèrent un assouplissement, mais pour l’instant, ce projet de loi laisse plus de questions que de réponses.
Une réglementation restrictive : usage limité et fleurs interdites
La nouvelle législation prévoit l’utilisation du cannabis médical pour seulement quatre pathologies : la spasticité liée à la sclérose en plaques, l’épilepsie sévère, les nausées liées à la chimiothérapie et la douleur chronique. Cette mesure vient dans le cadre de la lutte contre la consommation illégale de cannabis dans le pays, qui a engendré une explosion des sanctions à l’échelle européenne. Autrement dit, pas de place pour un usage élargi, malgré des évolutions potentielles selon les preuves scientifiques à venir.
Et là où ça coince vraiment, c’est sur l’interdiction des fleurs de cannabis. Alors que l’Espagne est un grand producteur de fleurs destinées à l’exportation, cette forme reste inaccessible pour les patients locaux. “Surprenant”, commente Canamedics, un leader de la culture basé en Catalogne, “de voir que notre production est essentiellement orientée vers les fleurs alors que nos propres patients n’y ont pas accès.” Un paradoxe qui ne passe pas inaperçu, d’autant plus que cette forme est appréciée dans de nombreux autres pays pour son efficacité.
Pharmacies hospitalières uniquement : un choix déroutant
Autre point qui fâche : l’exclusion des pharmacies de quartier. Seules les pharmacies hospitalières seront autorisées à distribuer le cannabis médical, sous prétexte que les patients doivent être suivis de près. Une décision qui passe mal auprès des professionnels du secteur, qui y voient une occasion manquée pour les 22 000 pharmacies de proximité d’assurer un service essentiel.
Le Conseil général des collèges pharmaceutiques espagnols déplore cette restriction. Selon eux, “il n’existe aucune raison sanitaire, sécuritaire ou légale” justifiant cette exclusion. José Manuel Paredero, président de la SEFAP, n’y va pas par quatre chemins, qualifiant cette mesure d’absurde. Les pharmacies de quartier gèrent déjà des substances sensibles, comme la méthadone et le fentanyl. Carola Pérez, présidente de l’Observatoire espagnol du cannabis médicinal (OECM), appuie ces critiques : “Les patients devraient pouvoir obtenir leurs traitements facilement, comme ils le feraient pour du fentanyl.”
Le futur du cannabis médical en Espagne : un espoir sous condition
Avec la fin de la période de commentaires publics, le ministère de la Santé se penche désormais sur les retours. Une révision potentielle du décret pourrait survenir d’ici quelques semaines, suivie d’une consultation interministérielle, puis d’une validation par le Conseil des ministres. Si tout va bien, la loi pourrait entrer en vigueur début 2025.
Cependant, l’absence des fleurs dans les prescriptions et l’exclusion des pharmacies locales risquent de freiner l’impact de cette législation. Comme le souligne Canamedics, “Nous devons continuer à nous battre pour un marché régulé où les patients ont un véritable accès aux traitements adaptés”. Un avis partagé par nombre de professionnels et de patients, qui s’attendent à des décisions plus ambitieuses.
Les mois à venir seront cruciaux pour voir si l’Espagne parvient à réaligner ses ambitions nationales avec son potentiel de production. La route est encore longue et semée d’embûches, mais, pour les patients espagnols, l’espoir d’accéder enfin aux bienfaits du cannabis médical est toujours bien là.
Source : businessofcannabis.com