Le tribunal de l’Union Européenne vient de rejeter un dépôt de marque très emblématique, celui de Cannabis Amsterdam Store, ouvrant ainsi la jurisprudence à une reculade tout à fait majeure en Europe dans le domaine de la propriété intellectuelle et des marques.
Le Cannabiste vous explique pourquoi et comment, cette décision va impacter durablement tous les acteurs du CBD et du Cannabis légal en Europe.
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De la même manière que le gouvernement Américain n’a aucune idée du nombre de personnes qui travaillent dans l’industrie légale du Cannabis, l’Europe se demandait encore ce qu’elle allait pouvoir faire pour canaliser légalement la vague verte qui se présente à elle aujourd’hui.
On a vu la réglementation Novel Food mis en oeuvre en Belgique, en Allemagne et en Espagne sur la question des aliments au CBD. En ce qui concerne le dépôt des marques du Cannabis, dans la globalité c’est un impact bien plus considérable qui est attendu.
#PI
La première bataille de ce nouveau marché vient de commencer, celle de la propriété intellectuelle.
Pour qu’un beau matin, le consommateur de Cannabis moyen puisse s’y retrouver, il faudra bien qu’en amont les ‘fabricants’ de Cannabis puissent leur offrir des garanties.
Or comme pour les pâtes, le chocolat ou les vêtements, un label c’est une garantie pour le consommateur, pour les producteurs le moyen indispensable pour se développer.
Et c’est directement sur le nerf de cette guerre que la justice Européenne a décidé de taper.
#Torelsan
Légalement jusque là, le terme ‘Cannabis’ ne faisait pas seulement référence
aux drogues, mais également à des substances thérapeutiques autorisées en France.
On peut citer par exemple Sativex® et Epidiolex® qui bénéficient d’une Autorisation de Mise sur le Marché ou d’une Autorisation Temporaire d’Utilisation, ou encore le Marinol®. Le Cannabis et le chanvre sont également employés dans la fabrication d’aliments et de boissons.
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A l’heure actuelle 95 marques utilisant directement le terme Cannabis sont mentionnées dans la base de l’INPI, exemples de marques Françaises déposées.
- « Cannabis Boutique Amsterdam »
- « Cannabis test »
- « Alcool, Cannabis et conduite »
La Cour de Justice de l’Union Européenne avait eu l’occasion de rappeler dans l’affaire Torresan en Mai 2011 : « l’utilisation du terme cannabis est parfaitement licite », mais il s’agissait d’interdire à un particulier de s’approprier le mot ‘Cannabis’.
#Jurisprudence
Même si pour les spécialistes la décision n’a rien de surprenant. C’est en quelque sorte une marche arrière de l’UE vient d’effectuer, sur ce qui jusque là avait été considéré comme parfaitement légal. L’arrêté n’interdit pas juste la représentation de la feuille dans une marque.
Il introduit la notion de trouble à l’ordre public. L’idée maîtresse: le dépôt des marques ne peut pas inciter à enfreindre les lois de la prohibition dans les différents pays.
L’intégralité du jugement rendu par la Cours de Justice Européenne
L’UE introduit aussi une notion importante pour le dépôt des marques, celle de contexte. Les industriels devraient pouvoir présenter une marque, mais à condition qu’il n’y ait pas d’ambiguïté vers une offre illicite dans les pays voisins.
Autre point essentiel, il suffit que l’ordre public d’une partie des états de l’union soit atteint pour que l’enregistrement de la marque soit impossible.
À retrouver sur Le Cannabiste
#Cannabis Store Amsterdam
Dans le cas du recours déposé par Mme Conte pour le Cannabis Store, l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle, l’EUIPO donne une chance à l’institution judiciaire de se positionner fermement sur la question.
L’avis de notre consultant en droit, l’enseignant chercheur Yann Bisiou sur la question:
» C’est une décision qui fait jurisprudence et qui risque de poser pas mal de problèmes aux entrepreneurs du Cannabis légal et du CBD aujourd’hui, sans doute aussi demain.
A mon avis cet arrêt est très bien construit et j’imagine qu’il a peu de chances d’être contesté par la suite.
Au delà, il illustre le constat que je faisais il y a quelques jours : l’Europe n’avait pas compris l’ampleur des pouvoirs dont elle dispose déjà, pour réglementer l’usage licite du Cannabis et du chanvre. En tout cas c’est ce qui transparaît dans cette décision du tribunal. Un jugement qui donne une interpretation tres restrictive, des compétences de L’UE. »
Yann Bisiou – CORHIS – Université Paul Valéry Montpellier
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Sources : Cours Européenne de Justice /// Luxemburg Wort
– Jean-pierre Ceccaldi pour The Blinc Group – Le Cannabiste 2018 Tous droits réservés –