
La révision constitutionnelle Sud-Africaine fait des émules chez les voisins Mauriciens. Par la voix de José Rose, de l’Association socio culturelle rastafari, la résistance à la prohibition du Cannabis revient à l’ordre du jour. Sur l’île Maurice ou le prix du gramme d’herbe s’élève à 75€ la détention de 10 grammes de Cannabis coûte 12 mois ferme au minimum. Problème détecté : mise à jour Le Cannabiste en cours …
* * *
#Chiffres
Le paradis des touristes à dauphin et des pêcheurs de baleines est une île de 1900km² qui compte environ 1.2 Millions d’habitants. Un territoire isolé par l’océan où l’urbanisation galopante et la pollution côtoient un niveau de pauvreté élevé : 160 000 personnes vivent en dessous de ce seuil aujourd’hui.
Depuis 1982, le début de son indépendance totale, l’Île Maurice n’a mis en place le salaire minimum légal qu’en 2018, il a été établi à 250€. Le prix d’une maison d’hôte de luxe s’élève en moyenne à 1000€ par nuit, le salaire mensuel moyen : 200€

#Paradis Prison
Avec 330 kilomètres de côtes paradisiaques, cette île de rêve figure dans le top 10 des destinations touristiques Françaises. Gad elMaleh, Yannick Noah ou encore la chanteuse Australienne Kylie Minogue y séjournent régulièrement. Mais selon France Ô, l’île Maurice serait également un haut lieu du tourisme sexuel où la toxicomanie fait des ravages. La consommation des opiacés comme l’héroïne atteint des sommets, au point que l’île a été classée par l’ONU premier pays consommateur de drogue Africain en 2011. Environ 2% de la population est soit sous héroïne soit sous subutex ce qui est un chiffre colossal.
Le Cannabis fait partie de la culture ancestrale de ce pays, au même titre que l’ensemble des pays Africains et Océaniens. Mais l’herbe été déclarée persona non grata par le pouvoir en 1982. Sur l’Île sa consommation reste dangereuse, sa répression est particulièrement dure et omniprésente au quotidien.
À 75€ le gramme, certains prennent tous les risques pour s’enrichir au profit de la Ganja, dans ce contexte hyper-pressurisé, la seule évocation de l’herbe rend tout le monde un peu dingue …

Les 8 établissements pénitentiaires du pays débordent et des sources non officielles font état de conditions de détention parfois jugées inhumaines. Ces mêmes sources locales rapportent qu’elles sont très largement peuplées d’usagers de drogue, dont les charges sont officiellement liées à d’autres délits plus mineurs. Selon les périodes le taux d’occupation des prisons Mauriciennes peut aller jusqu’à 127%.
#Échec
Dernièrement, en Juillet 2018 le rapport de la commission d’enquête sur la drogue publié par un député et la ministre de la santé Mauricienne a fait l’effet d’une bombe. Les deux co-auteurs ont immédiatement remis leurs démissions dans la foulée du rapport, en substance : un échec abyssal, une corruption endémique. Un des pires constats contemporains de la prohibition des drogues en général et du Cannabis en particulier, avec au final des suspicions de fraude institutionnelle massive, de la part des dirigeants de ce pays.
Témoignage anonyme local:
« Les rumeurs les plus folles courent dans le pays et l’on suggère des liens entre politiques, policiers et trafiquants, jetant le flou et le doute dans l’esprit du public. En effet, l’affaire des ‘Amsterdam boys’ en 1985 et, plus récemment, l‘arrestation de plusieurs policiers impliqués dans des affaires de drogues jettent le discrédit sur l’autorité. Il existe une perception au niveau de la population que les grands barons ne sont jamais inquiétés et que ce sont les petits consommateurs qui sont harcelés. »
#Couleur Locale
Depuis 1968 les élites du pays sont essentiellement composées de riches familles d’origines Indienne qui occupent les postes clé du pays tour à tour dans une sorte de cycle fermé. La population locale de l’Île est composée principalement de personnes d’origine Indienne, puis viennent les descendants des populations indigènes Créoles qui pour la plupart d’entre eux ne possèdent rien, enfin les nantis blancs, souvent étrangers, qui se partagent les revenus du tourisme avec les propriétaires Indiens.
A l’usure d’une propagande régulière l’opinion publique est désormais convaincue que le Cannabis est à l’identique de l’héroïne, un aller simple vers l’enfer de la toxicomanie et vers la mort. Cette mesure a eu pour effet de faire disparaître progressivement la tradition locale de culture des Landrace*. La production d’herbe locale depuis les variétés originales de l’île* demeure cependant à quelques kilomètres de là sur l’île de La Réunion avec la Kalite Tizane par exemple. (en lien des exemples chez French Touch Seeds). Sur l’Île Maurice comme en France, les dispendieux aéronefs de la police surveillent fréquemment les environs. Au final toute culture de Cannabis locale, toute landrace a pratiquement disparu de l’Île Maurice … pour le moment.

#Cannabis illégal
Alors que le Cannabis faisait partie intégrante de la culture Créole et Africaine, tout ce qui s’en approche de près ou de loin est interdit depuis une quarantaine d’années et inlassablement réprimé. Herbe, hash, huiles, graines, CBD ou pas CBD, pour la loi Mauricienne tout est illégal donc tout est interdit, idem pour le papier à rouler dont la vente est également interdite sur toute l’Île. (Ndlr: Sic!)
Les autorités mènent une lutte sans merci contre le Cannabis comme pour n’importe quel stupéfiant et elles ont la main particulièrement lourde. D’un côté, face à l’ampleur de la crise sanitaire et devant l’opinion publique, le gouvernement envoie désormais des missions sanitaires en camion distribuer des seringues aux plus défavorisés. Mais en matière de consommation de Cannabis, l’unique mesure de prévention reste la prison systématique au motif de trafic de stupéfiants.
- Anonyme en 2018 pris avec 7 Grammes d’herbe = Trafic: 84 jours de préventive avant son procès puis prison à venir
- Veer Luchoomun en Janvier 2018 : 12 mois ferme pour 10 G de Cannabis avec un casier vierge
- Un musicien Réunionnais de 50 ans : 3 ans de prison pour 251G de Cannabis
- Le chanteur Hans Naya: 12 mois ferme pour 408G de Cannabis
- LDL Fangamar en 2002 : 26 ans de prison pour 3.6Kg de Cannabis
Des associations d’usagers et de militants ont vu le jour pour répondre à cette situation. C’est le cas par exemple de CLAIM. Il s’agit d’un groupe militant d’usagers et de patients très actifs sur l’Île Maurice et dont nous aurons ici l’occasion de parler de nouveau.
L’association Mauricienne CLAIM sur Facebook
#Kaya
Il nous faut partager deux mots sur l’histoire de Zafair Kaya. Ce musicien Mauricien qui menait avec lui un mouvement populaire de légalisation de la Ganja. Après une performance sur scène la veille, le Jeudi 18 Février 1999, le chanteur Mauricien Kaya est arrêté chez lui. puis placé à Alcatraz.
Il décédera en prison 72 heures plus tard. Battu à mort, supposément par ses geôliers, une vague de violence avait accompagné l’annonce de son décès en prison.
Les dernières conclusions des légistes attestent qu’il portait des blessures qu’il n’avait pas pu s’infliger tout seul. À ce jour les raisons de la mort du militant artiste Mauricien n’ont toujours pas été élucidées et les responsables sont toujours impunis.
En vidéo le documentaire ‘Zafair Kaya Version Officielle 2015’
#Rastas
Les Rastas de l’île Maurice sont considérés comme la partie saillante d’un esprit militant qui s’est installé autour des valeurs de la démocratie et de la Ganja dans le pays. Comme avec le Kolektif 420 par exemple.

En marge de revendications d’autodétermination politique et de légalisation du Cannabis à l’Île Maurice, on trouve la communauté des Rastas Mauriciens. Forte de 20 000 membres, la mouvance comprend des membres sur tout le territoire Mauricien. Parmi eux le plus emblématique et le plus engagé sur la question du Cannabis : José Rose. Il s’exprimait en 2013 pour l’Express.mu. Florilège.
José Rose
« Devenir rasta, c’est lutter contre l’acculturation héritée du système colonial. C’est une réponse aux humiliations, au déracinement, à la perte d’identité. C’est refuser l’endoctrinement des églises chrétiennes complices de l’esclavage. C’est savoir que Dieu est noir. C’est tout cela, devenir rasta. Et là, Jah t’appelle. »
Moris, nou gouvernman kouyon ! ! (Notre gouvernement Mauricien ce sont des idiots)

« Pour nous, c’est une herbe sacrée qui permet l’accès au divin. Elle fait partie intégrante de nos rites. Avec la ganja, le rasta s’expérimente lui-même comme dieu, il se fond avec son Créateur. »
« Ce que mon association réclame, c’est le droit, pour les rastas, de cultiver et de consommer de l’herbe pour la pratique de nos rituels. Je dis bien pour les rastas, pour ma communauté, pas pour l’île Maurice en entier. »
Nou pa fer la politik, me nou vey zot de pre. (Nous ne faisons pas de politique mais on vous tient à l’oeil)
* * *
#À suivre
En matière de Cannabis l’Île Maurice ne fait pas figure de mauvais élève non. Ce n’est pas non plus le dernier de la classe, d’ailleurs à ce stade on ne peut plus parler de contre exemple. Mais un ami qui vit là bas nous décrit aujourd’hui une situation désespérante. Selon ses propres mots il parle d’un « laboratoire des effets néfastes de la répression poussée à l’extrême ».
Il semble que le tourisme à dauphin Mauricien ait perdu un peu sa superbe. Nous attendons des lettres de ce pays, nous les publierons comme elles arrivent. Il est temps de prendre conscience ensemble de ce qui se passe régulièrement depuis cette île Francophone, au paradis perdu de la Ganja éternelle. #OneWorld
Commentaires, réactions: Le Cannabiste sur Facebook / Twitter
Sources :
Remerciement spécial à la rédaction de www.lexpress.mu pour leur gentillesse, leur superbe réactivité, et bien entendu pour les images de José Rose.
Remerciement amical à ceux d’ici et de là bas qui se reconnaîtront, Le Cannabiste ne vous oublie pas.
— Jean-pierre Ceccaldi pour The Blinc Group – Le Cannabiste 2018 Tous droits réservés –