Alors que la légalisation du cannabis semblait suivre une autoroute toute tracée aux États-Unis, certains États viennent brutalement freiner des quatre fers. Idaho, Maryland, Michigan, New Jersey… tous remettent la main sur le frein à main, évoquant pêle-mêle la santé publique, les finances et un soupçon de panique morale. Un petit retour en arrière qui dit beaucoup sur les lignes de fracture américaines.
Quand la liberté recule au nom du « bon sens », c’est sur Le Cannabiste que ça se lit, évidemment.
Un vent de répression souffle sur plusieurs États
Après une décennie de progression quasi continue, la légalisation du cannabis connaît un coup de froid. Une nouvelle offensive conservatrice se dessine, notamment dans les bastions du Midwest et de l’Ouest. Objectif ? Resserrer les boulons, et tant pis pour l’élan populaire.
En première ligne : l’Idaho, l’irréductible. Entouré de voisins convertis au cannabis légal (Washington, Oregon, Nevada, Montana), l’État fait de la résistance. Le représentant Bruce Skaug a récemment présenté deux propositions de loi qui sentent bon le retour dans les années 90 :
- Amende minimale de 300 $ obligatoire pour toute possession de cannabis, même minime ;
- Suppression des référendums citoyens permettant de légaliser la plante via les urnes.
Et Skaug de marteler son credo old-school : « Les autres États qui ont légalisé ne sont pas devenus de meilleurs endroits pour vivre ou faire des affaires. » Voilà qui est dit. Ambiance tendue, cannabinoïde interdit.
Taxes, THC et priorités budgétaires : un cocktail amer
D’autres États, moins répressifs mais tout aussi déterminés, adoptent une stratégie plus subtile : jouer sur la fiscalité. Quand les caisses se vident, le cannabis devient soudain un bon filon pour renflouer les finances publiques. Pas de prison, mais un bon gros coup de massue fiscal.
Trois États se distinguent :
- Maryland
- Michigan
- New Jersey
Ces territoires où la vente récréative est déjà en place envisagent désormais d’augmenter les taxes sur les produits cannabiques. Autant dire que la plante commence à peser lourd dans les portefeuilles des usagers — et pas que dans les balances.
Mais ce n’est pas fini : le Colorado et le Montana, pionniers historiques de la légalisation, envisagent de limiter la teneur en THC dans les produits disponibles. Officiellement, pour « protéger la santé publique ». Officieusement, on se demande si pousser les consommateurs vers le marché noir est vraiment le plan le plus malin.
Cannabis médical : des programmes dans le viseur
Même le cannabis thérapeutique, jusque-là relativement épargné, est dans la ligne de mire. En Dakota du Sud, un projet de loi a tenté de restreindre drastiquement les critères d’éligibilité au programme médical adopté en 2020. Le but ? Réserver l’accès à une poignée de patients, via un encadrement médical corseté et des justificatifs en triple exemplaire.
Bonne nouvelle (temporaire) : le texte a été rejeté en commission législative. Moins bonne nouvelle : il pourrait revenir en version « light » à la prochaine session.
Pendant ce temps, au Nebraska, où aucun programme médical n’a encore vu le jour, le débat est déjà plombé. Des élus conservateurs redoutent une dérive vers une consommation récréative déguisée, et militent pour un cadre hyper strict : usage limité à quelques maladies graves, produits faiblement dosés, surveillance renforcée.
Les associations de patients, elles, montent au créneau. Elles accusent les pouvoirs publics de saboter les initiatives citoyennes et rappellent que dès qu’on donne la parole aux électeurs, ils votent en faveur du cannabis médical. Comme quoi, il y a parfois plus de bon sens dans une urne que dans un hémicycle.
Opinion publique vs politiques : le grand écart
Dans ce grand numéro d’équilibriste, le plus frappant reste sans doute le décalage flagrant entre l’opinion publique et les décisions politiques. D’après le dernier sondage Pew Research Center (2025), 88 % des Américains soutiennent la légalisation du cannabis médical, et 57 % sont favorables à une légalisation totale.
Un consensus national, sauf chez les décideurs.
Le soutien est particulièrement fort chez les 18-39 ans et dans les zones urbaines et côtières. À l’inverse, les États ruraux du centre du pays restent partagés, voire franchement hostiles, ce qui explique les coups de frein politiques même dans des États où les référendums passent haut la main. Résultat ? Un clivage générationnel et géographique de plus en plus marqué.
Sur le terrain, cela donne un patchwork législatif délirant, où les patients, les consommateurs et les professionnels doivent jongler avec des règles qui changent d’un comté à l’autre. Et dans les coulisses, les investisseurs du cannabis commencent à serrer les dents, surtout après la récente reclassification du cannabis par le gouvernement précédant : flou juridique, fiscalité incertaine, instabilité réglementaire… L’Amérique verte donne un peu le tournis.
Alors, retour en arrière ou pause stratégique ?
Faut-il voir dans ce reflux une vraie marche arrière ou simplement une pause de digestion législative ? Difficile à trancher. Mais une chose est sûre : la guerre du cannabis est loin d’être terminée aux États-Unis.
Entre calculs électoraux, réflexes sécuritaires, et enjeux économiques, la plante verte reste un sujet brûlant. Et pendant que les élus tergiversent, les citoyens, eux, semblent avoir déjà tranché. Peut-être est-il temps que la politique écoute un peu plus ses électeurs… et un peu moins ses fantasmes.
La suite ? Elle s’écrira dans les urnes… ou dans les textes de loi.