La police espagnole vient de démanteler une organisation criminelle affiliée à la mafia chinoise et qui exploitait plusieurs sites de production de Cannabis illégale via certains Cannabis Social Clubs de Barcelone. Quand la liberté profite au crime organisé c’est sur Le Cannabiste.
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On raconte de drôles de choses dans les villages au nord de l’Espagne. Des hangars s’allument la nuit d’une étrange lumière jaune. Soudain de petits chemins de terres qui mènent aux champs sont fermés et gardés par un ou deux hommes. Tatouages chaine en or, survêtement, blouson de cuir et ils ne parlent pas du tout l’espagnol ces hommes là …
Car si la politique de transparence et de tolérance voulue par les Cannabis Social clubs Espagnols est bien réelle, en réalité sur le terrain, il semble que la loi du marché noir conserve ses droits. La nouveauté cependant vient de l’empire du milieu.
#Le Bang de Fujian
Est une organisation criminelle chinoise répertoriée , et bien connue des services de police internationaux. L’organisme tentaculaire clandestin est assez similaire aux triades. Il se nourrit généralement des trafic et de l’exploitation, d’êtres humains en particulier.
À Barcelone au printemps dernier, après 8 mois d’enquête la brigade des Mossos D’Escuadra libère 22 jeunes femmes victimes de séquestration et d’exploitation sexuelle. 25 personnes sont arrêtées sur place ou en lien avec cette enquête. Les enquêteurs remontent une piste internationale jusqu’à l’organisation criminelle chinoise, connue sous le nom de Bang de Fujian.
« Pendant les huit mois qu’a duré l’enquête, la police a pu prouver que le gang était organisé hiérarchiquement et dirigé par des personnes influentes au sein de la communauté chinoise de Catalogne. En outre, il avait des relations internationales aux Pays-Bas, en Angleterre, au Canada et en Chine, de sorte que les activités criminelles se sont étendues au-delà de Barcelone. » – Source traduite –
Dans le détail on apprend que certaines parmi ces femmes semblaient avoir été enlevées puis acheminées clandestinement depuis la Chine jusqu’à l’Espagne. D’autres se seraient retrouvées contraintes par une dette personnelle ou une dette de famille à se prostituer de manière forcée.
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#Plantations
La deuxième ressource de cette branche du Bang de Fujian était de toute évidence la production illégale de Cannabis. Et là on ne parle pas d’un simple placard dans un garage jugez plutôt.
« Plus de 350 agents des forces de l’ordre, assistés par Europol, ont perquisitionné 29 grands entrepôts et autres lieux à Barcelone, Tarragone, Oviedo, Gijón et Bilbao, ainsi que des résidences privées au Portugal et aux Pays-Bas. » – Source –
Au total la police a découvert 13 exploitations clandestines de Cannabis, toutes reliées illégalement au réseau électrique. Au total 40 000 plants de Cannabis pour une valeur estimée par la police à 6 millions d’Euros.
La police qui a pu remonter jusqu’aux investisseurs de cette vaste opération Européenne, parle d’une mise de départ de 120 000 € répartie entre plusieurs actionnaires.
Selon AP Press, l’organisation criminelle était organisée de manière verticale, kidnapping, blanchiment et autres ‘activités’ criminelles d’ordre général, liées à la production de Cannabis. Un vrai cartel Chinois en Europe, visiblement connecté avec certains clubs. Mais pour le moment aucune opération d’envergure n’a été menée sur les lieux associatifs en rapport avec cette affaire, à priori.
#CSC
En revanche, c’est bien dans les Cannabis Social Club que finissait une partie de la marchandise produite en Espagne. Autres destination sans doute les Coffeeshops légaux d’Amsterdam pour qui de toute évidence la France n’est qu’une zone de transit.
Fondés sur la tolérance et la compréhension du Cannabis, les clubs barcelonais se doivent d’agir dans la transparence. Pourtant au quotidien, bon nombre d’entre eux semblent devenus des attrape-touristes avec une cotisation à l’entrée et une offre commerciale tarifée mais parfois douteuse sur l’origine.
C’est aussi ce que dénonce le magazine américain High Times. La justice espagnole semble se rapprocher d’une interdiction globale de ces clubs, un peu par voie de conséquence.
« Ils sont officiellement définis comme des clubs de membres privés, mais les associations misent généralement sur l’attrait des touristes, avec une cotisation d’environ 10 € (11,83 $) – et cela va généralement vers le premier achat, de toute façon.
En 2014, l’Agence de santé publique de la Generalitat de Catalunya a proposé de nouvelles mesures strictes pour réglementer les clubs. La Generalitat est le gouvernement régional de Catalogne – disposant de larges pouvoirs dans le cadre du système décentralisé espagnol, bien qu’elle ne puisse pas déroger à la loi nationale espagnole. Et la loi espagnole autorise la consommation privée de cannabis. » – Source –
Voilà la zone grise du droit Espagnol devenue une autoroute à malfrats internationaux. Dans des proportions épiques, le modèle du Cannabis Social Club tel qu’il est pensé : à cheval entre la liberté individuelle et le droit d’association est en train de montrer ses limites en Espagne.
Vu la pression énorme qui existe au quotidien avec le marché noir Français et le haschich aujourd’hui, on se dit qu’une situation identique serait attendue justement.
À ce sujet nous avons recueilli la réaction de Kenzi Riboulet, c’est un chercheur Franco Algérien spécialisé sur le Cannabis, il connaît bien la question des Clubs:
« Je ne partage pas du tout les conclusions de High Times en matière de Cannabis et de crime organisé. Les investisseurs américains sont les premiers à se comporter de manière hyper libérale et parfois même prédatrice avec les clubs, qu’ils utilisent comme des vitrines. On sent bien qu’ils n’ont pas de prise avec le monde réel, à ce sujet.
Le trafic de stupéfiants et l’exploitation de la misère humaine, sont des phénomènes antérieurs à la création des clubs. Il s’agit d’organisations puissantes et structurées qui exploitent par exemple des sous marins pour exporter leurs marchandises. Le lien avec les clubs est infime voir inexistant.
C’est peut être la raison pour laquelle aucune opération policière en lien avec cette organisation n’a conduit à une série de descente dans les clubs. C’est un angle erroné qui ne peut qu’aboutir à la stigmatisation d’une expérience sociale imparfaite, mais réussie. » – Kenzi Riboulet Chercheur–
#Cartel
La prohibition du Cannabis en Espagne, en France comme en Italie crée les conditions idéales pour l’épanouissement du crime organisé: une manne financière régulière.
Savamment épicée de corruption sur un lit de pression policière, la guerre à la drogue est en train de donner naissance à ce que les historiens définiront sans doute, comme les nouveaux cartels structurés de nos petits pays européens, avec pour origine disons, le crime organisé qu’on nomme généralement ‘La mafia’.
À lire sur Le Cannabiste
Qu’elle qu’en soit l’origine, les sources d’opérations illégales, financées et structurées trouveront toujours leurs débouchés. La présence des clubs n’est qu’une donnée parmi tant d’autres.
Une mauvaise légalisation ou bien l’ouverture soudaine d’une tolérance sans réel contrôle de l’état, ne semblent pas être les vecteurs de paix sociale que la plupart des Cannabistes attendent. À savoir: une légalisation contrôlée structurée et réaliste fiscalement, suivie d’une réelle amnistie judiciaire.
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Sources : AP News // Lavanguardia // High Times
– Jean-pierre Ceccaldi pour The Blinc Group – Le Cannabiste