Jean-pierre Couteron : Un addictologue au Front

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Dans un quotidien fait de guerre à la drogue, il subsiste parmi les médias les soignants et les travailleurs sociaux, de voix dissonantes. Ce sont souvent celles des personnes au contact des consommateurs de substance, les voix de ceux qui portent assistance, de ceux qui aident et qui ne jugent pas.
Le prisme de l’humanisme pour évoquer la situation difficile des consommateurs de Cannabis en France, c’est une entrevue exclusive sur Le Cannabiste. Nous avons aujourd’hui le privilège d’accueillir Jean-pierre Couteron: Un Addictologue, au Front.

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LC: Bonjour JPC ! Vous êtes addictologue, vous vous occupez donc des personnes en situation de dépendance. Pensez-vous que la place d’un Cannabiste endurci, assidu et convaincu, est dans un hôpital psychiatrique ou bien en prison?
Spontanément, je répondrai ni en prison, ni en hôpital psychiatrique. L’hôpital psychiatrique est un lieu de soin spécialisé, à ce titre, il se doit d’accueillir des personnes en souffrance et qui relève du soin, au sens large.

La prison est un lieu de privation de liberté, suite à jugement, elle répond à la nécessité de préserver l’ordre et la paix dans l’espace public. Un ‘Cannabiste endurci’ n’est donc ni obligatoirement quelqu’un en souffrance psychique ou atteint du pathologie mentale, ni automatique un délinquant, même si la législation actuelle en fait un délinquant !

 

Un addictologue engagé pour la promotion des usages vertueux: Archives, Image JPC @FB

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Image JP Couteron @Facebook

 

LC: Ça vous est venue comment l’addictologie, un goût des autres ou celui des portes de la perception?
Mon entrée dans la vie professionnelle a été marqué par des événements personnels qui l’ont rendu difficile. Je travaillais comme livreur de machine à écrire électrique…

Puis j’ai obtenu un DUT en Carrières sociales, et j’avais une passion naissante, la voile, qui me prenait de plus en plus de temps.  J’ai eu l’occasion de reprendre des études en faculté de Psychologie….et j’ai trouvé un premier poste dans un Centre pour Toxicomanes, dans des années 80

 

 »J’ai eu mon histoire avec les substances psychoactives

 

Personne ne voulait trop s’en occuper, les budgets n’existaient pas et il était utopique de vouloir y faire ‘carrière’. J’ai pris ce poste…et j’y suis resté plus de 20 ans….

Travailler dans ces équipes, sans trop de hiérarchie et de pesanteurs  administratives, auprès d’un public qui n’est pas ce que le stigmate de l’addiction en dit, m’a très vite intéressé.
LC: Allez avouez, vous tournez à quoi vous autres les addictos, il y en a bien quelques-un(e)s qui se la roulent en cachette?

J’ai eu mon histoire avec les substances psychoactives, et au-delà, avec les états modifiés de conscience. Et puis j’ai eu ma vie, mes engagements et responsabilités, mes maladies qui m’ont peu à peu conduit à faire évoluer mes usages.

Je ne peux répondre pour mes collègues, mais pour moi, j’en garde l’importance de ne pas avoir trop de préjugés sur les produits … autant que la conscience de leur potentielle puissance.

 

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Image JP Couteron @Facebook

 

LC: Votre livre, « Adolescents et Cannabis » semble s’adresser à la fois aux parents et aux jeunes adultes avec un discours très progressiste. Dans quel but l’avez-vous écrit ? Bienveillance, compassion ou fermeté, quel serait le meilleur discours aujourd’hui avec un ‘ado’ connecté?
Mon activité clinique m’amène à rencontrer celles et ceux pour qui le Cannabis est un danger, dont l’usage excessif ou trop précoce est à l’origine de dégâts. Nous avions essayé d’ouvrir une piste d’aide en proposant un espace spécifique, celui des Consultations Jeunes Consommateurs. Il s’y est très vite dévoilé deux enjeux : celui de jeunes en souffrance psychique, chez qui les usages de cannabis, mais évidemment aussi d’alcool, venaient servir d’auto-médication problématique.

 

 »Tout mettre sur le compte du Cannabis (…) est aussi stupide que d’en nier les effets

 

Et celui pour les familles, dont les tensions au moment de l’adolescence accentuaient l’attraction de substances comme le cannabis. Les réactions qui suivaient la découverte de ces usages renforçaient ces tensions, un cercle vicieux qui dérégulait encore plus l’usage et son contrôle.

C’est donc pour répondre à ce double enjeux, en donnant à chacun les moyens d’agir, que le livre a été écrit. Il veut rappeler que tout mettre sur le compte du Cannabis et de ses effets est aussi stupide que d’en nier les effets spécifiques.

 

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Image JP Couteron @Facebook

 

LC: Pensez-vous que l’Amende délictuelle soit un dispositif adapté et efficace pour contrôler la consommation de Cannabis et son trafic en France

Le cannabis est une substances psychoactive, il a des effets bien réels, qui justifient des usages médicaux , avec les règles qui vont avec. Il a aussi une légitimité à prendre place dans des usages partagés, chez des adultes, avec un autre mode de régulation.

A ce titre, des sanctions pour le nom respect de règles, établies  au nom de la sécurité et santé publique, ne me poserait aucun problème : ne pas conduire sous effets de substance, par exemple ; ne pas vendre à des mineurs ou personnes vulnérables, etc…

 

 » L’incapacité française à sortir d’une vision binaire

 

Telle qu’elle est, l’amende délictuelle forfaitaire est une simplification, pour alléger le travail de la police, des procédures maintenant la prohibition de l’usage. Elle reste soumise à la pratique policière, avec toutes les tensions actuelles ; elle ne facilitera pas l’accès aux soins de ceux qui en ont besoin ; elle répète les mêmes erreurs que les ‘stages stupéfiants’, etc… Elle illustre l’incapacité française à sortir d’une vision binaire sur l’addiction : soigner ou interdire.

Quant à la question du trafic, évidemment non ! Elle va compliquer la revente, sur certains lieux, et générer un déplacement et une adaptation. Mais réduire le trafic, je n’y crois pas.

 

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Image JP Couteron @Facebook
LC: A partir de quel moment une jouissance paisible peut-elle être identifiée comme un usage problématique? Comment savoir si on se trouve dans ce cas là?
C’est une question importante, et difficile, notamment lors de l’adolescence. Pour rester dans le cadre d’une Interview, il y a une critère que l’on peut se donner, celui de l’exclusivité : plus une pratique devient exclusive des autres, plus elle devient problématique, au sens où elle réduit la palette de réponses et de compétences dont dispose la personne.
Ensuite, nous pouvons ajouter d’autres critères : l’age, l’environnement, la perception ou pas d’une souffrance ou de tensions, etc… C’est pour cela qu’il me semble important d’accepter d’aller en parler avec des personnes qui connaissent les produits, et notamment le cannabis, mais sont aussi capable de ne pas tout pathologiser

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LC : Docteur si on on vous dit : Northern Lights, Banana Kush ou Silver Haze, ça vous parle en particulier ?
Je ne suis pas  ‘docteur’, à mon époque les études étaient autrement organisées, et donc je n’ai pas fait de  ‘doctorat’… et je ne suis pas médecin. C’est donc en tant que praticien que je réponds : oui, cela évoque des ‘crus’ de Cannabis, et nous invite à mieux connaitre ce que le seul mot de Cannabis recouvre. La connaissance, ici aussi, ne peut qu’aider à des usages moins dangereux.

 

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Interview exclusive réalisée en ligne en Juillet 2020 par la rédaction

– Jean-pierre Ceccaldi pour The Blinc Group – Le Cannabiste 2018 Tous droits réservés –

A propos Jean-Pierre 1227 Articles
Fondateur et rédacteur du média Le Cannabiste. Je suis un journaliste autodidacte spécialisé dans le domaine du Cannabis. J'ai été choisi par un incubateur de Cannabusiness New Yorkais pour devenir leur consultant permanent en matière de Cannabis. Je publie de nombreux articles interviews et essais en langue Anglaise ainsi que pour la presse Française et l'industrie du Cannabis en général.